Interface entre le monde vivant et le monde minéral, le sol constitue un patrimoine naturel précieux. Vaste réservoir de biodiversité, il est essentiel à de nombreux services écosystémiques tels que la production alimentaire, la régulation du climat, des crues, et de la qualité de l’eau ou de l’air. Face à une concurrence d’usages croissante et des besoins parfois antagonistes, cette ressource limitée et peu renouvelable fait l’objet de nombreuses pressions.
Toutefois, la prise de conscience croissante autour de ces enjeux de société permet aujourd’hui de combler petit à petit le manque d’information sur la répartition géographique des sols et d’estomper progressivement la faible disponibilité des données pédologiques. En témoignent les initiatives florissantes pour la prise en compte des sols dans la planification des territoires. La variabilité spatiale des sols devient ainsi de moins en moins méconnue. Une connaissance méthodique et harmonisée des caractéristiques des sols se développe et permet de les gérer de la façon la plus durable possible. Ainsi, les programmes des Référentiels Régionaux Pédologiques (RRP), coordonnés au niveau national par le Groupement d’intérêt scientifique Sol (Gis Sol) à travers le projet d’Inventaire, Gestion et Conservation des Sols (IGCS), ont pour objectif de synthétiser les connaissances sur la répartition et la nature des grands types de sols d’un territoire à l’échelle 1/250 000.
Dans cette dynamique, le Conservatoire d’espaces naturels Normandie et ses partenaires ont initié en 2013 le projet d’un Référentiel Régional Pédologique sur l’ex-Haute-Normandie en vue de la production de nouvelles données sur les sols à destination des acteurs du territoire.
Quatre années ont été nécessaires pour finaliser ce travail. L’implication financière de l’Agence de l’Eau Seine Normandie, du Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, ainsi que du Fonds Européen Agricole pour le Développement Rural (FEADER) a tout d’abord permis la mise en œuvre du programme et d’en assurer la pérennité. Par ailleurs, un conseil scientifique constitué d’experts régionaux et de l’INRAE Infosol a suivi activement les travaux. Le RRP n’aurait pu voir le jour sans leur soutien constant et leurs conseils avisés. Il convient également de saluer la collaboration des nombreux agriculteurs, forestiers, propriétaires, élus, gestionnaires d’espaces naturels et autres habitants rencontrés qui ont rendu possible la prospection de terrain.
Ce recensement des sols haut-normands a été organisé selon une quinzaine de petites régions naturelles, elles-mêmes divisées en 166 unités cartographiques ou pédopaysages. Au total, ce sont 366 types de sols qui ont été mis en évidence et qui ont fait l’objet d’une description détaillée. À l’aboutissement d’un tel projet, il apparait que le territoire d’ex-Haute-Normandie présente une mosaïque de sols des plus variés. Depuis les sols calcaires superficiels tout au long des coteaux crayeux de la Seine jusqu’aux rares sols podzolisés issus de sables, en passant par les sols de vallées souvent hydromorphes, sans oublier les sols profonds limoneux des plateaux cultivés. Une kyrielle de couleurs s’offre ainsi au pédologue normand, des rouges de l’argile à silex aux jaunes orangés des sables tertiaires en passant par le gris-bleu des gleys et le noir profond de la tourbe.
Tentative embryonnaire d’inventaire des sols haut-normands, ce Référentiel Régional Pédologique, officiellement labellisé lors des Journées d’Etudes des Sols en 2018, vise à constituer un document de référence pour une connaissance partagée des sols en Seine-Maritime et dans l’Eure. Puisse-t-il continuer à s’enrichir de nouvelles observations au fil des saisons.